Publié: novembre 2023

 

INTRODUCTION

Le rôle de l’Aéroport international de Vancouver (YVR) est de servir les communautés avoisinantes et de soutenir l’économie sur laquelle il s’appuie. Comme tout autre aéroport, sa principale fonction est de fournir des services au sol permettant les déplacements par avion de passagers et de marchandises, entrants et sortants, à l’échelle régionale, nationale et internationale. Le point distinctif de l’Aéroport international de Vancouver est la façon dont il remplit cette fonction et tant d’autres. Ce qui le distingue, plus précisément, est le principe qu’il a adopté selon lequel ses activités s’inscrivent au sein d’un grand écosystème, qui comprend les populations et d’autres entités, toutes établies sur l’île Sea et dans le delta du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique. Cette région fait aussi partie du territoire traditionnel non cédé du peuple Musqueam et se trouve à l’intérieur des limites du Grand Vancouver.

 

CONTEXTE HISTORIQUE

Lorsque l’administration aéroportuaire a assumé la responsabilité de l’aéroport en 1992, l’entente a été opérationnalisée grâce à un bail de 99 ans du terrain et de l’infrastructure conclu avec le gouvernement fédéral. Le modèle d’exploitation choisi a été celui d’un organisme communautaire sans but lucratif, qui réinvestit tous ses profits dans l’aéroport. Ce bail de longue date qui prendra fin en 2072 et le modèle axé sur la communauté et orienté vers des buts précis ont encouragé une culture d’intendance saine et de réflexion holistique. Tamara Vrooman, présidente-directrice générale de YVR, explique que « … nous nous concentrons toujours sur la durabilité, et en tant qu’organisme, nous nous posons régulièrement la question : de quoi la communauté a-t-elle besoin [en ce moment]? »

En rétrospective, le Canada traversait une période exaltante quand ce modèle a fait ses débuts. La population canadienne se montrait enthousiaste après le succès de l’Expo 86 à Vancouver et optimiste quant aux occasions qu’apportait l’intégration accrue du pays dans l’économie mondiale rapidement libéralisée. Le Canada considérait l’aéroport de Vancouver à la fois comme une passerelle économique entre notre pays, l’Asie-Pacifique et l’économie nord-américaine dans son ensemble, et comme un lieu d’accueil chaleureux pour les immigrants et les voyageurs de l’AsiePacifique.

Mais ces possibilités n’étaient pas sans responsabilités. Trente ans plus tard, YVR fait honneur à sa réputation de pôle international concurrentiel pour les déplacements et le commerce, sans oublier le tourisme. Son succès se doit largement à sa volonté assumée : 1) d’exploiter ses activités en respectant le lieu qu’il occupe; 2) d’accepter la complexité de l’écosystème unique dans lequel il opère (celui-ci étant lui-même interrelié à de plus grands domaines); 3) de cultiver des liens mutuellement avantageux entre les personnes et les entreprises qui gravitent naturellement autour du potentiel du lieu.

 

1. Liens avec la Nation Musqueam

La collaboration transparente et inclusive entre les dirigeants de YVR et le peuple Musqueam est essentielle à la mise en pratique de ces principes. Avec le temps, leur collaboration s’est transformée en relation de confiance et de mutualisme. En 2017, en s’appuyant sur les réussites de leur collaboration antérieure, YVR et le peuple Musqueam ont signé l’Entente de durabilité et d’amitié entre la bande indienne Musqueam et l’aéroport YVR, qui s’étend sur 30 ans. Ce partenariat à long terme reconnaît que l’aéroport est responsable envers la Nation Musqueam d’assurer un avenir durable et mutuellement avantageux pour la communauté. Des principes d’intendance et de représentation y sont intégrés et divers avantages visés y sont explicitement mentionnés, notamment des bourses d’études, des occasions d’emploi, le partage des recettes avec la Nation Musqueam, l’identification et la protection des ressources archéologiques et le soutien aux opérations et au développement à long terme de l’aéroport. https://www.yvr.ca/en/about-yvr/musqueam/overview

Comme l’a résumé Mme Vrooman, YVR « intègre cette perspective dans toutes ses activités… [en partie] parce que la transparence et l’inclusion améliorent la qualité de nos décisions ». Ceci se reflète jusque dans la culture organisationnelle de YVR où chaque membre du personnel nouvellement embauché passe du temps avec des membres du peuple Musqueam, dans le but de souligner l’importance des valeurs de respect, de fierté, d’inclusion, d’honneur et de responsabilité partagée.

 

2. Liens avec l’écologie

Dans le contexte plus large des relations entre les populations humaines et l’écologie naturelle, les voyages aériens se trouvent généralement à l’extrémité négative en termes d’impact. Quoique la direction de YVR reconnaisse tout à fait cette réalité, elle ne l’accepte pas pour l’avenir. YVR entreprend des démarches pour contrer les effets néfastes des activités de l’aéroport sur l’île Sea et dans les environs et pour développer une culture inclusive d’innovation visant l’équilibre entre l’aviation et l’écologie, la dernière étant essentielle pour notre survie.

Sur l’île Sea, les pratiques de gestion environnementales de YVR marient les sciences biologiques modernes aux connaissances traditionnelles du peuple Musqueam du delta du fleuve Fraser dans le but de préserver la biodiversité et afin de tenir compte d’autres facteurs essentiels à la santé des habitats, notamment pour le saumon. Pour ce faire, il a fallu premièrement reconnaître les liens d’interdépendance entre la vitalité du delta du fleuve, le saumon, le peuple Musqueam et l’aéroport. Apprendre à tenir compte de l’écologie comme un système intégré et à travailler de manière respectueuse a donné une occasion à ces partenaires de découvrir comment la gestion de l’aéroport et des terrains environnants pouvait être modifiée afin de créer des conditions écologiques propices aux populations plus robustes de saumons. En 2016, YVR est devenu le premier aéroport en Amérique du Nord à obtenir la certification Salmon-Safe, et cette année, YVR a renouvelé sa certification. https://www.yvr.ca/en/media/newsreleases/2022/recertified-salmon-safe

De manière plus générale, pour répondre aux grands défis de la civilisation qui nous forcent à prendre conscience de notre impact sur le climat, YVR a élaboré une feuille de route visant la carboneutralité d’ici 2030 en ce qui a trait à ses activités aéroportuaires locales. Lorsqu’on a demandé à Mme Vrooman pourquoi l’organisme avait établi une échéance assez ambitieuse, elle est allée droit au but : « Plus on attend, plus grand sera l’écart à combler. » Elle s’attend aussi à ce qu’un positionnement en tant qu’adopteur précoce permette à YVR d’attirer davantage de capital privé et public, de partenariats avec des innovateurs climatiques et d’occasions de montrer aux autres aéroports ce qui est à la fois possible et rentable. Il y a même possibilité que YVR génère de nouvelles sources de recettes grâce à l’innovation, comme l’entité l’avait fait par le passé en étant le premier aéroport à adopter les bornes d’enregistrement libre-service. Autrement dit, harmoniser les intentions de l’organisme avec le bien-être collectif est une bonne stratégie pour assurer la durabilité des profits. https://www.yvr.ca/en/about-yvr/environment/carbon-reduction

Pour continuer sur sa lancée, YVR fait des investissements dans l’infrastructure du carburant d’aviation durable en participant à l’initiative BioPortYVR, dont l’objectif est de permettre aux transporteurs aériens qui partent de Vancouver de se ravitailler en carburant renouvelable à faible émission compatible avec le parc aérien actuel. Cette initiative, combinée au carrefour de l’innovation à YVR (dirigé par l’aéroport), devrait servir d’inspiration aux autres organismes qui souhaitent y contribuer leurs talents uniques dans le but de créer un milieu où divers groupes peuvent apprendre ensemble et faire équipe pour harmoniser, d’une part, les avantages de relier physiquement les gens et les lieux, et de l’autre, la possibilité des vols à zéro émission.

 

3. Lien avec le personnel, les entreprises et les diverses communautés

La philosophie de respect des gens et des lieux se manifeste de nombreuses façons. Notamment, l’aéroport cherche à créer conjointement de la valeur (au lieu d’en extraire) avec les membres du personnel, les organismes extérieurs faisant partie de l’écosystème régional, le lieu sur lequel se trouve l’aéroport et même le monde numérique.

La philosophie de respect des gens et des lieux se manifeste de nombreuses façons. Notamment, l’aéroport cherche à créer conjointement de la valeur (au lieu d’en extraire) avec les membres du personnel, les organismes extérieurs faisant partie de l’écosystème régional, le lieu sur lequel se trouve l’aéroport et même le monde numérique.

 

Employeur offrant un salaire minimum vital

Il y a plusieurs années, YVR a entamé une transition en vue d’obtenir sa certification en tant qu’employeur offrant un salaire minimum vital (à ses employés et bientôt aux employés travaillant pour des fournisseurs de services directs, soit environ 2 200 travailleurs au total) et encourage les autres employeurs œuvrant dans l’écosystème de l’aéroport à en faire autant. Encore une fois, ce n’est pas juste la bonne chose à faire, c’est aussi bon pour les affaires. Si on examine le marché du travail de manière globale, on se rend compte que lorsqu’on offre des salaires plus élevés au premier échelon, on encourage une relation plus étroite entre l’employeur et l’employé et, de ce fait, un engagement mutuel envers le perfectionnement des employés. D’ailleurs, cette pratique réduit le roulement du personnel et donne de la vigueur à l’ensemble de l’écosystème de l’aéroport. En outre, le salaire minimum vital permet à YVR et à ses partenaires d’attirer plus facilement de nouveaux employés potentiels. Par exemple, au début de 2022, lorsque YVR a affiché 80 postes d’expérience client, l’organisme a reçu plus de 600 candidatures. Non seulement l’aéroport a-t-il réussi à pourvoir chaque poste à un moment important de la relance du secteur touristique, il a aussi acquis de nouvelles compétences langagières grâce aux nouvelles recrues, qui, collectivement, parlaient 32 langues différentes.

Iskwew Air

Des liaisons de qualité entre les communautés urbaines, rurales et autochtones sont importantes pour la santé socioculturelle, économique et même écologique de la région dans son ensemble. Iskwew Air est un nouveau joueur dans ce milieu. Il s’agit d’une compagnie aérienne dont une femme autochtone est propriétaire, qui part de l’île Sea. Avec l’accord des Musqueam, ce transporteur exerce ses activités sur le territoire non cédé du peuple et a commencé à offrir des vols nolisés en 2019. En 2021, Iskwew Air a fait son premier vol commercial à partir de YVR et offre maintenant un service régulier quotidien entre Vancouver et Qualicum Beach sur l’île de Vancouver. En septembre 2022, Iskwew Air et YVR ont conclu un protocole d’entente dans le but de renforcer leur relation de travail en s’appuyant sur une vision commune du potentiel du domaine de l’aviation. « Nous sommes enthousiastes à l’idée de continuer à rapprocher les gens et à les relier au territoire avec nos amis de YVR, dit Teara Fraser, fondatrice de Iskwew Air. Nous savons qu’ensemble, nous pouvons transformer l’industrie de l’aviation pour qu’elle soit davantage axée sur la réciprocité, les relations et la durabilité. C’est un nouvel avenir qui décolle. » Une des occasions qui se présente est d’encourager les régions éloignées de profiter du potentiel des expériences de tourisme authentique de façon à aider leurs communautés à prospérer. https://www.iskwew.ca

Planification de l’aménagement du territoire

Durant la pandémie de COVID-19, YVR a mis à jour son plan d’aménagement du territoire sur l’île Sea pour la première fois en 30 ans et a interrompu indéfiniment l’aménagement d’une troisième piste, qui avait déjà fait l’objet d’un zonage. L’administration a plutôt décidé d’inviter d’autres intervenants à évaluer avec elle la possibilité d’utiliser le terrain à des fins industrielles, commerciales, logistiques ou même résidentielles. Lorsqu’on a demandé à Tamara Vrooman comment l’aéroport allait s’y prendre, elle nous a répondu : « Lentement… en fonction de l’entente avec les Musqueam et selon leurs principes ». Elle a insisté sur le fait que le succès « repose sur les bases de notre partenariat avec le peuple Musqueam et notre engagement envers la décarbonisation ». Par exemple, ce terrain pourrait-il servir d’écosystème plus robuste en matière de logistique et de marketing pour les agriculteurs, les pêcheurs et les producteurs d’aliments qui sont au service de la régénération et qui sont déjà bien établis dans la région?

Jumeau numérique de l’aéroport

Une autre initiative récente ayant un potentiel à long terme a été entreprise par l’aéroport durant la période de ralentissement causée par la pandémie. YVR a cartographié de façon numérique tout le terrain extérieur et les installations intérieures de l’aéroport, créant ainsi un jumeau numérique de YVR et du terrain connexe. Cette initiative ouvre la voie à une approche plus inclusive et collaborative qu’avant de l’apprentissage et de l’innovation grâce à, par exemple, la modélisation des déplacements des aéronefs à l’extérieur, du débit d’humains et de la circulation de l’air à l’intérieur. Ce projet a créé une occasion d’améliorer l’efficacité et de réduire les émissions et la transmission de maladies par l’air. Il pourrait même être possible de créer des sources de revenus pour les créateurs autochtones d’œuvres d’art qui sont trop grandes pour être déplacées. Pensez à des reproductions numériques de ces œuvres qui peuvent être vendues aux enchères sous forme de jetons non fongibles (NFT)!

 

CONCLUSION

L’orientation du développement de l’Aéroport international de Vancouver est la preuve que cet organisme évolue vers l’adoption de pratiques régénératrices, même s’il ne s’agit pas de la terminologie utilisée à YVR. Les liens qu’entretient l’aéroport avec le peuple Musqueam, le territoire de l’île Sea et le delta du fleuve Fraser sont de plus en plus mutualistes. Ces liens synergiques se traduisent par la création d’occasions visant le rapprochement et des avantages mutuels tant pour les communautés urbaines, rurales et autochtones de la région, que pour la région et le reste du monde. Des liaisons de qualité entre les communautés urbaines, rurales et autochtones sont importantes pour la santé socioculturelle, économique et même écologique de la région dans son ensemble.

Quelques indicateurs de progrès

• Environ 100 membres du peuple Musqueam sont employés de l’administration aéroportuaire sur l’île Sea et occupent divers postes.

• Des efforts visant la restauration des habitats sont en cours – Certification Salmon-Safe.

• Employeur offrant un salaire minimum vital

• YVR fait preuve de leadership en matière de réduction des émissions de carbone – Feuille de route visant la carboneutralité d’ici 2030.

• L’administration collabore avec une compagnie aérienne détenue par une femme autochtone.

• L’administration respecte les principes des Musqueam et son engagement envers la carboneutralité dans sa planification de l’aménagement du territoire.