Publié: décembre 2023

 

 

 

INTRODUCTION

La rivière O:se Kenhionhata:tie (rivière des saules), aujourd’hui appelée rivière Grand, se situe sur la bande de terre accordée aux Six Nations de la rivière Grand (les Six Nations) par la Proclamation de Haldimand de 1784. Ce territoire revient aux Nations Onöndowága’ (Seneca), Gayogohono (Cayuga), Onyota’a:ka (Oneida), Kanyen’kehaka (Mohawk), Onöñda’gega (Onondaga) et Skaru:reh (Tuscarora). Le 25 octobre 1784,
sir Fredrick Haldimand concède cette bande de terre aux Haudenosaunee en reconnaissance de leur aide contre les forces révolutionnaires américaines. En vertu de sa proclamation, le territoire, qui « s’étend de chaque côté de la rivière sur une profondeur de six miles depuis le lac Érié jusqu’à l’embouchure de ladite rivière, appartient à tout jamais à ces peuples et à leur descendance ».
La rivière Grand parcourt environ 310 kilomètres depuis sa source à Dundalk jusqu’à son embouchure à Port Maitland, où elle se jette dans le lac Érié. Au total, le territoire concédé par Haldimand couvre près de
385 000 hectares, dont seulement environ 19 500 sont encore contrôlés par les Six Nations.

A map shows the Haldimand Tract (outlined in red) and the Six Nations Reserve (highlighted in orange) along the Grand River in Ontario, Canada, with nearby cities labeled.

 

La rivière Grand, ainsi que ses principaux affluents – les rivières Conestogo, Eramosa, Nith et Speed – sont inscrits au Réseau des rivières du patrimoine canadien en 1994. Cette distinction souligne l’exceptionnelle valeur de son patrimoine humain de la rivière comme des possibilités récréatives qu’elle présente. L’Office de protection de la nature de
la rivière Grand (GRCA) assure la gestion du bassin versant, qui englobe 34 municipalités. Les relations sont d’ailleurs historiquement compliquées entre les Nations propriétaires de la bande riveraine et les colons qui s’y sont installés.

En expliquant ici notre démarche pour faire connaître l’histoire du bassin de la rivière Grand, nos pratiques d’une approche régénératrice en tourisme et la planification complexe de notre création théâtrale qui s’étendra sur 310 kilomètres, nous espérons clarifier comment un projet de pièce de théâtre communautaire tel que celui-ci peut favoriser un avenir fondé sur la co-création et la réconciliation dans le sud de l’Ontario, au Canada. Imaginez une caravane réunissant colons, Autochtones et une marionnette de 4,5 mètres de haut qui suivra la rivière Grand, en faisant escale pour une nuit ou deux dans les collectivités animées du territoire. Imaginez des voisins, des amis et de parfaits inconnus rassemblés une chaude soirée d’été pour assister à la prestation d’artistes talentueux de la région; de brillants interprètes qui racontent avec fougue et passion l’histoire de leur bout de pays à la lueur des étoiles, afin que les générations futures puissent elles-mêmes réimaginer et apprécier ces récits. C’est ça, notre vision du projet d’œuvre de théâtre communautaire sur la rivière Grand.

Notre démarche collective bénéficie du soutien de l’Université de Waterloo, en partenariat avec l’Organisation touristique régionale 4 (OTR 4) dans le cadre du programme de subvention Accélération de Mitacs.

 

L’histoire du bassin de la rivière Grand

Du point de vue scientifique colonial, la formation géologique et écologique de ce qui constitue aujourd’hui le bassin versant de la rivière Grand remonte à la fonte de la calotte glaciaire des Laurentides, il y a environ
20 000 ans. Les peuples des Premières Nations, plus précisément les Hurons, les Neutres et les Iroquois, ont vécu sur ce territoire pendant au moins 12 000 ans. Ils y ont chassé, cueilli, pêché, cultivé la terre, combattu et formé des alliances, avant d’être colonisés, forcés de quitter leurs terres pour des réserves et envoyés dans des écoles résidentielles. Avant l’ambition d’en faire un empire, les colons arrivent d’abord sur le territoire pour s’y installer et y faire du commerce. Dans les années 1930 et 1940, la rivière Grand peine à répondre à la demande des colons qui l’exploitent. Cette voie d’eau autrefois immaculée, connue pour les bateaux à vapeur qui remontaient le courant jusqu’à Brantford et ayant inspiré au XIXe siècle le paysagiste Homer Watson à peindre son idyllique Porte d’écluse (de nos jours exposée au Musée des beaux-arts du Canada), était désormais décrite comme un égout à ciel ouvert après des décennies d’industrialisation et de dégâts écologiques. En 1934, la Commission de conservation des eaux de la rivière Grand est formée pour faire face aux problèmes causés par l’industrialisation.

 

Depuis, des millions de dollars ont été investis dans le nettoyage de la rivière. Les agriculteurs ont adopté de nouvelles technologies; des réseaux d’égouts pluviaux ont été conçus pour réduire la pollution causée par le ruissellement urbain; un réseau de barrages et de réservoirs a été construit; et la GRCA a mis en œuvre un programme de surveillance de la capacité du bassin. Ces mesures visent à protéger l’intégrité environnementale du bassin versant. Toutefois, la préservation de la qualité de l’eau de la rivière est un travail de tous les instants, notamment avec l’accroissement des besoins en eau sur le territoire dû à la croissance démographique et à l’urbanisation. Avant 1975, le bassin de la rivière présentait peu de possibilités récréatives, principalement en raison de sa détérioration. Mais grâce aux efforts de préservation, l’offre d’activités en plein air a considérablement évolué et se développe d’année en année. La gamme de loisirs offerts dans le bassin a joué un rôle crucial dans l’inscription de la rivière Grand au Réseau des rivières du patrimoine canadien. Elle s’est fait mieux connaître en raison des restrictions sanitaires imposées sur les loisirs d’intérieur lors de la pandémie de COVID-19, les gens s’étant tournés vers la rivière Grand pour y faire des activités « sécuritaires » en plein air. Aujourd’hui, elle continue d’attirer les habitants de la région comme les touristes, d’où l’importance de préserver la rivière pour les générations à venir.

 

CONTEXTE

Et si le tourisme était un catalyseur pour nous aider à retrouver l’essence des territoires et des collectivités où nous vivons? Et si nous pouvions apprendre à reconnaître ce que nous devons aux générations passées et futures? Le tourisme régénérateur consiste à rassembler les gens autour de ce qui leur tient (ou devrait leur tenir) à cœur dans leur milieu, puis à transformer cet intérêt de leur part en action concrète. C’est dans cette optique que se sont rassemblées plusieurs organisations du sud de l’Ontario. En invitant les collectivités d’habitants du bassin versant de la rivière Grand à renouer avec l’histoire riche et diversifiée de leur région, en donnant vie à ces récits pour qu’ils puissent être transmis et en les intégrant dans des expériences authentiques, nous proposons une offre touristique communautaire unique pour le public d’ici et d’ailleurs.

L’Organisation touristique régionale 4 (OTR 4)

L’OTR 4 est une organisation à but non lucratif qui relève du ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport de l’Ontario. Elle a pour mission de promouvoir le tourisme responsable dans les comtés de Huron, de Perth, de Waterloo et de Wellington. L’OTR 4 cherche à créer des collectivités saines en proposant des projets positifs apportant une valeur durable à la région et à ses destinations. Les projets de l'OTR 4 sont axés sur le développement durable, la régénération et les récits. Le projet des récits de la rivière Grand (PRRG), dirigé par Tristin Vogel, responsable des projets de destination de l’OTR 4 pour la région de Waterloo et de la rivière Grand, est un exemple de ce type de projet d’où est issu le projet d’œuvre de théâtre communautaire sur la rivière Grand (POTCRG).

 

Le projet des récits de la rivière Grand (PRRG)

La plupart des projets de développement touristique le long de la rivière étant axés sur des installations physiques telles que le canoë, les points d’accès et les infrastructures de loisirs, l’OTR 4 a reconnu la nécessité de redonner vie à la rivière en partageant son histoire avec les visiteurs. En octobre 2021, le PRRG est créé dans le but de faire collaborer des experts du bassin versant, tels que des historiens, des conteurs et des chercheurs passionnés par l’histoire de la rivière Grand, avec des créatifs en leur offrant le soutien nécessaire pour concevoir des projets interactifs visant à faire connaître l’histoire de la région. L’objectif de ce groupe était de créer une anthologie complète, authentique et fidèle des récits de la rivière Grand, quelle que soit leur origine culturelle. Cette compilation d’histoires pourrait ensuite être utilisée pour organiser des activités d’animation durables et éducatives autour de la rivière pour les générations futures. Un programme d’animation organisé par l’OTR 4 au printemps 2022 a permis d’obtenir les fonds nécessaires pour stimuler le lancement de nouvelles idées d’animation, notamment la rédaction de la proposition du POTCRG. Avec le POTCRG, le PRRG est passé d’une approche axée sur les besoins à la reconnaissance des atouts propres à la rivière.

Le projet d’œuvre de théâtre communautaire sur
la rivière Grand (POTCRG)

Le POTCRG est né de l’imagination du dramaturge
Peter Smith et a pris de l’ampleur grâce aux liens qu’il a tissés avec les membres du PRRG et à ses relations dans le domaine du théâtre. Intitulée The Voice of a River (« La voix d’une rivière »), cette représentation ambulante voyagera le long de la rivière, pendant deux semaines en août 2025, afin de faire découvrir au public sous forme de spectacle et de récits les particularités des collectivités et de la culture du bassin versant. Le POTCRG recourra à plusieurs disciplines artistiques pour imprégner les riverains et les visiteurs de l’essence du lieu. Le projet, qui donne vie aux récits locaux et les transmet de manière authentique aux populations qui vivent sur le territoire, pourrait inspirer les visiteurs venus d’ailleurs à faire de même dans leur propre milieu.

En outre, en laissant le temps à la confiance de se bâtir et en privilégiant les perspectives autochtones, le projet a su rassembler les communautés des Premières Nations environnantes autour de la création de deux prologues. La défense du droit des Premières Nations à la souveraineté et à la résurgence n’est pas seulement l’un des objectifs des 94 appels à l’action de la
Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015); elle occupe une place centrale dans le tourisme régénérateur. En novembre 2022, deux prologues ont été présentés dans le cadre du projet, à titre de démonstration de sa faisabilité. Ces prologues ont su éveiller l’intérêt du public, donner le ton du projet et présenter des informations essentielles au public pour l’aider à mieux comprendre la démarche du POTCRG.

 

LES PROLOGUES

La représentation de premier prologue s’est faite les 12 et 13 novembre 2022 au Parc Chiefswood, à Ohsweken, une communauté des Six Nations de la rivière Grand. Les 19 et 20 novembre, ce fut le tour du second prologue, au moulin à farine historique d’Abe & Erb, dans la ville de Waterloo. Les prologues étaient bien plus qu’une simple démonstration de faisabilité : ils ont rassemblé des habitants de la région qui autrement n’auraient peut-être jamais eu l’occasion d’interagir, et ont suscité un véritable engouement pour le projet.

Le premier prologue s’ouvrait sur le sombre discours d’un gardien du savoir, gardien de la foi et aîné des Six Nations au sujet de l’Action de Grâce, suivi d’une présentation générale de ce que serait la cration théâtrale.

A painting depicts a landscape featuring a river, a house labeled "Chiefswood," a person drumming, a campfire, a canoe with two people, and a compass, with the artist credited as Pat Flood.

 

Pendant le reste du prologue, le public a été invité à parcourir le Parc Chiefswood pour une promenade de réflexion. Des poèmes ont été récités devant la maison de Pauline Johnston. Emily Pauline Johnston, aussi connue sous son nom de scène mohawk Tekahionwake, était une poétesse, écrivaine et artiste accomplie qui a grandement contribué à la culture orale et écrite des peuples autochtones et du Canada. Son père était un chef héréditaire mohawk d’ascendance mixte et sa mère était une immigrante anglaise.

Les membres du public ont pu profiter d’une expérience humaine, non humaine et plus qu’humaine qui les a amenés sur la rive de la rivière Grand, où les attendaient au coin du feu un danseur Haudenosaunee et son tambour. Le groupe a été invité à se joindre à lui pour danser et chanter des chants traditionnels. Au loin, à la tombée de la nuit, deux canoës ont descendu la rivière, accompagnés par la vibration des chants à la surface de l’eau. Les canoës représentaient l’importance du wampum à deux rangs, un traité signé par les Haudenosaunee et les colons hollandais. Chaque canoë reste dans son rang, suffisamment proche pour pouvoir aider l’autre au besoin, et suffisamment éloigné pour éviter de lui faire obstacle.

Le public a ensuite été invité à retourner à l’office de tourisme des Six Nations, tout en écoutant attentivement une auteure du clan de la tortue et de la Nation Mohawk faire la lecture d’un livre pour la jeunesse, qu’elle a écrit avec ses enfants. Le groupe a été accueilli en chemin par les fondateurs de Two Row on the Grand, une excursion de dix jours en canoë sur la rivière Grand où participent des Haudenosaunee tout comme des colons. Ils se sont livrés à une discussion brève, mais marquante sur l’initiative et sur ce qu’elle représente. De retour à l’office de tourisme des Six Nations, un petit groupe s’est réuni pour dévoiler une installation artistique sous forme d’une libellule – un mélange animé d’art et de technologie conçue pour consigner et transmettre les récits de la rivière. L’événement s’est conclu par un dernier discours sur l’Action de grâce avant le départ du public. Pour visionner une courte vidéo YouTube sur le premier prologue, cliquez ici.

 

Le second prologue a commencé par une cérémonie traditionnelle de l’eau sur les rives du ruisseau Laurel, un affluent de la rivière Grand, dans le centre-ville de Waterloo. Une artiste, éducatrice et gardienne du savoir ojibwée-anichinabée ayant participé aux marches pour les droits de l’eau a ouvert la cérémonie. Le public a participé à une cérémonie de purification par la fumée pour se préparer aux activités de la journée avec positivité. Ensuite, les participants ont reçu du tabac, à prendre de la main gauche, la main la plus proche du cœur. Chaque personne a été invitée à donner le tabac en offrande à la rivière à l’occasion d’une prière. Dans les systèmes de connaissances des Anichinabés et des Haudenosaunee, l’eau possède un pouvoir de guérison sacré. Une fois la cérémonie terminée, le groupe a été guidé par un trio de musiciens colons jusqu’au moulin d’Abraham Erb, où il a pu découvrir les récits de la rivière au fil de chants, de poèmes et d’intermèdes musicaux participatifs. Le public a ensuite été invité à réfléchir à sa relation avec la rivière en répondant à deux questions : que représente la rivière Grand pour vous? Et qu’est-ce que vous représentez pour elle?

A painting shows a waterfall with musicians playing a violin and accordion, a person walking in water, a map with a dragonfly, and towns labeled, with the artist credited as Pat Flood.

 

Ces prologues inclusifs et mis en scène avec soin ont vu des membres des Premières Nations travailler aux côtés de colons pour promouvoir un projet communautaire qui va bien au-delà du théâtre. De nombreux colons qui ont assisté à ces événements ont été marqués par cette invitation à se rendre sur le territoire des Premières Nations pour participer à des cérémonies culturelles sacrées et à prendre conscience de la violence subie par les peuples autochtones au Canada en raison de la colonisation. Le prologue présenté sur le territoire des Six Nations était piloté par des membres des Premières Nations et visait à promouvoir la résurgence et la souveraineté de leurs peuples. Les prologues ont mis en évidence la volonté de la communauté autochtone de collaborer avec les colons dans le cadre du POTCRG. De même, le prologue au moulin d’Abraham Elb a donné l’occasion au public de participer à une cérémonie sacrée de l’eau dirigée par les Ojibwés, tout en se livrant à une réflexion sur la relation des colons avec les peuples autochtones. Les deux prologues nous laissent entrevoir la possibilité d’un avenir plus inclusif.

 

POURQUOI MAINTENANT?

A photo shows a partially frozen river with ice patches, surrounded by snow-covered banks and leafless trees under a clear blue sky, credited to Jeff Leader.

 

Le PRRG et le POTCRG ont vu le jour à un moment crucial dans la réponse du Canada aux 94 appels à l’action dans le rapport 2015 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada : lors de la découverte de sépultures anonymes dans plusieurs écoles résidentielles, mais aussi en plein cœur de la pandémie, lesquelles nous a forcés à réfléchir à d’autres formes de tourisme conscient et responsable dans une optique de régénération. Rappel brutal des tensions qui règnent dans notre pays, la récente découverte de tombes d’enfants anonymes sur le terrain des anciennes écoles résidentielles contribue au climat de crise actuel, et ce, malgré les efforts de réconciliation en cours. Le POTCRG est une occasion de sensibiliser le public à l’histoire de nos partenaires des Premières Nations.

Le POTCRG invite toutes les populations établies le long de la rivière Grand à se rapprocher, à tisser des liens et à participer à la création d’un espace communautaire. Le projet est axé sur la régénération et la réconciliation, et constitue un exemple de tourisme régénérateur comme il ne s’en voit nulle part ailleurs au Canada, puisque la rivière Grand a la particularité de traverser plusieurs collectivités. En général, les études de cas sur le tourisme régénérateur ne permettent d’observer des incidences que sur une seule collectivité. Par ailleurs, ce projet permet de répondre au besoin d’analyses plus approfondies sur le tourisme régénérateur au Canada et fournit un exemple de mise en application des pratiques en la matière.

 

L’approche régénératrice au tourisme

Le tourisme régénérateur est vu comme un processus axé sur la spécificité d’un lieu. Les chercheurs qui l’étudient recommandent de tenir compte de chaque « lieu et de ses particularités géographiques, son histoire humaine, sa culture, son environnement proche et l’évolution des besoins des personnes et du lieu » (Becken et Kaur, 2021, p. 55). De même, Reed et Holliday, coauteurs du document de référence Une approche régénératrice du tourisme au Canada de
Destination Canada, définissent les cinq grands principes d’un approche régénératrice au tourisme censés en guider la pratique :

1. Comprendre l’échelle du lieu et travailler en conséquence.

2. Imaginer un lieu comme un écosystème vivant.

3. Cultiver un réseau de relations.

4. Faire appel aux talents et aux contributions ciblées des gens et des organisations.

5. Pratiquer l’intendance dans un cadre de cocréation.

Le POTCRG incarne les pratiques régénératrices énoncées par Peter Smith dans sa description du projet. Selon lui, « La voix d’une rivière », c’est :

« …un projet inclusif en constante évolution, qui rassemble des communautés dont les chemins ne se seraient peut-être jamais croisés. Il s’agit d’une célébration et d’un cri, de quelque chose qui rend le monde meilleur. En réunissant les gens dans un esprit de créativité et de festivité, un lien réciproque se crée, et c’est dans cet environnement que les idées s’épanouissent. Nous apprenons à nous voir les uns les autres sous un jour nouveau et à mieux comprendre que nous sommes tous liés à la rivière Grand, qu’elle est un membre de la communauté et qu’elle mérite notre respect. »”

Le GRCPP est l’histoire de la rivière, créée et développée par les gens de la rivière, et finalement racontée à ceux dont la vie est liée à la rivière. Il s’agit d’un recueil d’histoires et, surtout, d’un rassemblement de personnes le long de la rivière Grand. Les notions de lieu, d’interconnexion, de relations et de confiance sont le ciment de la démarche théâtrale. Le wampum à deux rangs et le principe de la septième génération, qui nous ont été enseignés par nos partenaires des Premières Nations, guident les actions du POTCRG. Inspiré de la philosophie Haudenosaunee, le principe de la septième génération stipule que les décisions que nous prenons aujourd’hui doivent avoir un effet régénérateur pour les sept générations qui suivront.

L’œuvre théâtrale est spécialement conçue pour évoluer au fil des générations, qui la réimagineront et qui en exploreront les possibilités. Notre souhait est que les différentes communautés continuent à se réunir de façon pacifique et à se rapprocher à travers la créativité et l’art pour les générations à venir.

Leçons clés

A photo shows a serene river at sunset, with the sky filled with clouds and the surrounding landscape silhouetted against the golden light, credited to Jeff Leader.

 

La première étape de tout effort de réconciliation est l’apprentissage des pratiques de décolonisation ainsi que des perspectives autochtones qui peuvent s’appliquer dans nos pratiques. Nous entreprenons cet apprentissage parce que la propagation de perspectives occidentales dans les communautés autochtones contribue à l’effacement continu de la culture et des droits de ces peuples, impose des systèmes de connaissance impérialistes, et contribue au suprémacisme blanc.

L’inertie passée du Canada face aux enjeux autochtones illustre la nécessité de remettre en question le modèle capitaliste. Le capitalisme s’oppose à la durabilité et aux pratiques régénératrices et nous empêche de prendre conscience que nous sommes capables de diriger avec bienveillance et de prendre soin les uns des autres. Nous reconnaissons la nécessité de nous recentrer sur l’aspect humain, un impératif qui commence à susciter de l’attention des milieux universitaires. En tant que colons, nous ne pouvons aller qu’aussi loin que la confiance nous le permet dans nos efforts de recherche complexes.

Le financement octroyé par l’Université de Waterloo et l’OTR 4 dans le cadre du programme de Mitacs a permis à notre équipe de recherche d’appliquer ces différents principes. Nous progressons avec précaution, petit à petit, dans notre parcours sur la voie de la confiance. Notre objectif est de créer des liens et d’instaurer un climat de confiance entre nous et nos partenaires des Premières Nations par notre participation à des événements culturels communautaires et par l’invitation de chercheurs autochtones à l’Université de Waterloo. Nous bénéficions d’ailleurs des conseils du gardien du savoir autochtone de la Faculté de santé de l’Université de Waterloo, qui nous sert de mentor et nous aide à déterminer les prochaines étapes à franchir. Enfin, et surtout, le financement permet aux chercheurs de répandre les valeurs fondamentales du POTCRG auprès d’un vaste public.

 

 

LA SUITE DES CHOSES

A vibrant artwork depicts a large, colorful dragonfly against a background of abstract, multicolored leaves, labeled "Dragon Fly Installation."

A colorful textile artwork depicts a landscape with houses and fields, crafted with various fabrics and patterns, credited to artist Irene Hanuta.

À l’heure actuelle, l’équipe du POTCRG étudie la logistique de la réalisation d’une œuvre de théâtre ambulante destinée à parcourir 310 kilomètres le long de la rivière ainsi que de la récolte des fonds nécessaires pour y parvenir. Pour l’instant, elle a largement compté sur l’aide de bénévoles. Les personnes qui ont contribué aux prologues nous ont fait don de leur temps et de leurs efforts lors de chaque représentation. Les espaces où ont lieu les cercles de partage et autres activités créatives nous sont prêtés par les communautés de la rivière Grand pour soutenir l’initiative. Le POTCRG est allé chercher une personne expérimentée en collecte de fonds afin de trouver des sources de revenus stables pour l’avenir du projet. Depuis, nous avons présenté des demandes de financement auprès du Conseil des arts du Canada, de la Fondation Trillium de l’Ontario et du Conseil des arts de l’Ontario, tout en cherchant de nouvelles façons innovantes de lever des fonds pour le projet.

En attendant, le POTCRG prévoit d’organiser quatre ateliers/cercles d’histoires par mois dans divers espaces communautaires le long de la rivière. La marionnette géante incarnant la voix de la rivière est en cours de conception. Grâce au soutien du Shadowland Theatre à Toronto, ce pantin de 4,5 mètres de haut sera réalisé en collaboration avec des étudiants en art d’une université locale et des jeunes amateurs de théâtre des Six Nations. Nous préparons également un prologue d’hiver afin de promouvoir et soutenir le POTCRG. De plus, nous prévoyons plusieurs projets durables, notamment une courtepointe en hommage à la rivière inspirée par le projet Fibres du monde; un projet de cartographie photographique à des fins éducatives; et les libellules – des installations artistiques qui émailleront le long de la rivière pour recueillir et transmettre les récits issus de divers cercles de partage.

Enfin, les membres des communautés de
la rivière Grand se rassembleront malgré les tensions politiques pour suivre la rivière en caravane et raconter d’une part les récits des Premières Nations, et d’une autre part ceux des colons, ponctués par la voix de la rivière elle-même. Cette histoire continuera de s’enrichir au fur et à mesure que les générations suivantes se rassembleront et se la réapproprieront.

 

CONCLUSION

A photo shows a river flowing through a forested landscape at dusk with two deer wading in the water, credited to Jeff Leader.

 

L’approche régénératrice au tourisme a pour but de contribuer de manière positive aux collectivités où il est pratiqué. La métaphore de l’eau qui court et des multiples générations qui profitent de cette incroyable ressource commune est cruciale, malgré son contraste apparent avec les restrictions imposées par la pandémie, laquelle nous ont forcés à cesser toute activité et à nous isoler. En explorant toute la nuance du POTCRG, nous avons l’occasion de mieux comprendre comment établir des liens significatifs et intégrer des pratiques de réconciliation dans la création de récits collectifs qui nous rapprochent de notre environnement. De plus, en adoptant la philosophie du wampum à deux rangs, qui invite les colons et les Premières Nations à s’entraider en cas de besoin sans interférer avec l’autre, ainsi que le principe de la septième génération, selon lequel les décisions prises aujourd’hui doivent avoir un effet régénérateur pour les sept prochaines générations, et en respectant les pratiques de développement du tourisme régénérateur, nous prenons conscience de notre devoir : collaborer pour le bien des générations à venir.

Cette étude de cas peut servir d’exemple à d’autres communautés désireuses d’offrir des programmes de tourisme régénérateur qui favorisent la réconciliation par l’application des pratiques de décolonisation. Pour en savoir plus sur l’OTR 4 et les projets qu’elle soutient, rendez-vous sur https://rto4.ca. Pour plus d’informations sur le POTCRG, pour contribuer au projet ou pour faire un don, rendez-vous sur https://www.ruralcreativity.org/.

 

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Écrit par :
Peggy Vacalopoulos, étudiante à la maîtrise en étude des loisirs, Université de Waterloo
Tristin R. Vogel, gestionnaire de projets touristiques, Organisation touristique régionale 4
Karla A. Boluk, Ph.D., professeur agrégée, Département des études en loisirs, Université de Waterloo